Histoire de l'âge Hyboréen

Lorsque Robert E. Howard commença la rédaction des aventures de Conan le Cimmérien, il y a de ça presque soixante-dix ans, il prépara une fiction d'un monde qu'il appela l'âge Hyborien. Cette histoire retraçait la période à laquelle vécut Conan, les années qui suivirent, mais aussi les événements 8000 ans avant lui, ère de la civilisation Thurienne, génitrice du Roi Kull, un guerrier exilé d'Atlantis du temps où celle-ci n'avait pas encore été engloutie par les mers déchaînées.
Le Monde pendant l’ère du Roi Kull De cette période connue des chroniqueurs némédiens sous le nom d'Ère Pré-cataclysmique, on ne sait que peu de choses. Seule la fin est décrite dans les archives, mais même ces récits sont voilés par les brumes de la légende. L'histoire connue débute avec le déclin de la civilisation précédant le Cataclysme, époque dominée par les royaumes de Kamélie, de Valusie, de Vérulie, de Grondar, de Thulé et de Commorie. Dont les peuples partageaient une langue proche, ce qui tend à prouver une origine commune. Cette période comptait également d'autres royaumes civilisés mais habités par des races différentes et vraisemblablement plus anciennes.

Les barbares de cet âge étaient les Pictes, qui vivaient sur les îles les plus reculées de l'océan occidental ; les Atlantes peuplaient une petite terre située entre les îles Pictes et le continent principal, appelé continent Thurien, et les Lémures qui demeuraient sur une série de grandes îles dans la moitié orientale du globe.

Il existait encore de vastes régions inexplorées. Les royaumes civilisés, bien qu'immenses, n'occupent au final qu'une petite portion de la planète. La Valusie était le royaume le plus à l'ouest du continent Thurien, le Grondar était celui le plus à l'est. La partie orientale du Grondar s'étendait en de grands et sauvages déserts où vivait un peuple ayant atteint un degré de civilisation bien moindre que celui des habitants des autres royaumes. Au sein des zones désertiques les moins arides, dans les jungles et au cœur des montagnes, vivaient, épars, des tribus et des clans primitifs et sauvages. Loin au sud se dressait une mystérieuse civilisation n'entretenant aucun rapport avec la culture Thurienne et apparemment antérieure à la race humaine. Sur les lointains rivages orientaux du continent vivait une autre race, humaine celle-ci, mais mystérieuse et elle aussi dépourvue de lien avec la culture thurienne ; une race avec laquelle les Lémures entretenaient des contacts occasionnels. Les membres de ce peuple étaient vraisemblablement originaires d’un continent inconnu se trouvant quelque part à l’est des îles Lémures.

La civilisation thurienne périclitait, ses armées n’étaient alors déjà presque plus composées que de mercenaires barbares. Les Pictes, les Atlantes et les Lémures étaient devenus les généraux, les hommes d’état et parfois même les souverains des royaumes de cette civilisation en déclin, des guerres opposants la Valusie et la Commorie et des conquêtes qui permirent aux Atlantes de fonder un royaume sur le sol même du continent, on se souvient aujourd'hui plus de légendes que de faits historiques.

C'est alors que le Cataclysme ébranla le monde. Atlantis et la Lémurie furent englouties par les flots et les îles Pictes s'élevèrent pour former les cimes des montagnes d'une nouvelle terre. D'immenses parties du continent Thurien disparurent sous les eaux, formant parfois des lacs ou même de grandes mers intérieures. Des volcans se mirent à rugir et de terrifiants tremblements de terre abattirent les étincelantes cités des anciens empires. Des nations entières furent ainsi anéanties.

Les barbares s'en sortirent toutefois mieux que leurs cousins civilisées. Les habitants des îles pictes furent détruits,mais une grande colonie d'hommes et de femmes de ce peuple fut totalement épargnée. Elle avait été établie dans les montagnes le long de la frontière méridionale de la Valusie, afin de servir, à l’époque, de tampon contre une éventuelle invasion. Le royaume continental des Atlantes échappa lui aussi à la destruction et c'est à lui que vinrent en bateaux les milliers d'entre eux qui avaient survécu à l'engloutissement de leur mère patrie. De nombreux Lémures fuirent vers la côte orientale du continent Thurien qui resta relativement épargnée par le Cataclysme. Ils y furent finalement réduits en esclavage par l'ancienne race qui y vivait déjà. Dès lors, et durant des milliers d'années, leur histoire ne fut plus que celle d’une servitude brutale et cruelle.

Dans la partie occidentale, les bouleversements provoqués par le Cataclysme entraînèrent l'apparition de nouvelles et étranges formes de vie végétales ou animales. D'épaisses jungles recouvrirent les plaines, de larges fleuves se frayèrent un chemin jusqu'à la mer, de hautes montagnes s'élevèrent vers les cieux, et d'immenses lacs recouvrirent les ruines des anciennes cités construites dans des vallées autrefois fertiles. Depuis les terres immergées, une myriade d'animaux et de sauvages, singes et hommes-singes, se répandirent dans le royaume continental des Atlantes. Contraints de se battre continuellement pour survivre, ils parvinrent toutefois à préserver les vestiges de leur ancienne culture pour devenir des barbares hautement évolués. Dépossédés de leurs métaux, ils réapprirent à travailler la pierre tout comme le faisaient leurs lointains ancêtres. Ils étaient parvenus à un haut niveau de développement artistique lorsque leur culture survivante entra en contact avec la puissante nation Picte. Ces derniers étaient eux aussi revenus à l'âge du silex, mais leurs progrès dans l'art de la guerre et le développement de leur population avaient été bien plus rapides. Les Pictes n'avaient pas la nature artistique des Atlantes ; ils formaient un peuple violent, pragmatique et fécond. Contrairement à leurs ennemis, ils ne laissèrent derrière eux nulle peinture, nulle gravure sur ivoire, juste des monceaux d'armes en silex d'une mortelle efficacité.

Ces royaumes de l'âge de pierre s'affrontèrent férocement en une série de guerres sanglantes. Dépassés par le nombre, les Atlantes régressèrent à l'état sauvage tandis que l'évolution des Pictes fut arrêtée brutalement. Cinq cents ans après le Cataclysme, ces royaumes barbares s'étaient éteints. Ils n’étaient plus qu'une nation de sauvages, les Pictes, en guerre perpétuelle contre d’autres tribus de sauvages, les Atlantes. Les Pictes avaient l'avantage de l'unité et du nombre, tandis que les Atlantes étaient disséminés en petits clans plus ou moins indépendants. Tel était l'Occident en ces temps reculés.

Dans le lointain Orient, coupé du reste du monde par les hauts pics de titanesques montagnes et une série d'immenses lacs, les Lémures travaillaient durement sous le joug de leurs maîtres. L'extrême Orient est pour sa part toujours voilé de mystère. Préservé du Cataclysme, son destin reste pré-humain. Des races civilisées du continent Thurien, les survivants de l'une des nations non-Valusiennes, vivaient parmi les collines du sud-est, formant le peuple Zhemri. De par le monde étaient éparpillés des clans de sauvages simiesques, totalement ignorants de l'ascension et de la chute des grandes civilisations. Mais, loin au nord, un autre peuple était sur le point de naître.

Au moment du Cataclysme, un groupe de sauvages dont le niveau de développement dépassait à peine celui de l'homme de Neandertal avait fui vers le nord pour échapper à la destruction. Ils découvrirent des régions enneigées, seulement peuplées d'une race de grands singes féroces à la longue fourrure blanche, apparemment natifs des lieux. Ils les combattirent et finirent par les repousser au-delà du cercle arctique où, croyaient-ils, ils finiraient par disparaître. Par la suite, ces singes s'adaptèrent et prospérèrent dans cet environnement nouveau et hostile.

Après que les guerres entre les Pictes et les Atlantes eurent détruit les prémices de ce qui aurait pu être une nouvelle civilisation, un autre cataclysme de moindre ampleur altéra l'apparence du continent originel. Il provoqua la formation d'une grande mer intérieure là où se trouvait anciennement un chapelet de lacs, marquant la séparation entre l'est et l'ouest. Les éruptions volcaniques, les tremblements de terre et les inondations qui accompagnèrent ce cataclysme achevèrent la ruine des barbares, déjà initiée par leurs guerres tribales.

Un millier d'années après ce deuxième cataclysme, le monde occidental était devenue contrée sauvage couverte de jungles épaisses, de lacs majestueux et de fleuves impétueux. C'est au cœur des forêts couvrant les collines du nord-ouest que subsistait un groupe d'hommes-singes errants ne maîtrisant aucun langage humain, pas plus que le feu ou le maniement des outils. Ce sont les descendants des Atlantes qui, au plus profond de la jungle hostile, ont finalement régressé au stade bestial dont leurs ancêtres étaient si difficilement parvenus à sortir. Au sud-ouest, vivent disséminés des clans d'individus revenus à l'état sauvage, habitant dans des grottes et ne communiquant plus que de manière grossière et primitive. Ils continuaient toujours à se nommer Pictes, même si ce terme ne sert alors quasiment plus qu'à désigner les hommes, pour les distinguer des bêtes sauvages contre lesquelles ils luttent quotidiennement pour survivre et pour se nourrir. Ce nom était probablement leur seul et unique lien avec leur ancienne condition. Ni les répugnants Pictes ni les Atlantes simiesques n'entretenaient de contacts avec les autres tribus ou peuples de cette époque.

Loin à l'est, les Lémures, réduits à un niveau presque bestial par la brutalité de leur esclavage, se révoltèrent et parvinrent à détruire leurs maîtres. Ils n’étaient alors plus que des sauvages errants parmi les ruines d'une ancienne et étrange civilisation. Les survivants qui réussirent à échapper à la fureur de leurs esclaves fuirent à l'ouest. C'est ainsi qu'ils découvrirent le mystérieux royaume pré humain du sud. Ils parvinrent à le renverser et à y implanter leur propre culture, toutefois altérée par le contact avec cette étrange nation. Le nouveau royaume qui émergea de cette prise de pouvoir se fit nommer Stygie. Il apparut rapidement que des restes de l’ancienne culture avaient survécu et commençaient à y être vénérés, bien que l'ancienne race qui l'avait édifié ait été entièrement détruite.

Ici et là, de par le monde, de petits groupes de sauvages montrent les premiers signes d'une future ascension ; mais ils restent encore isolés et peu connus. Cependant, dans le nord, les tribus grandissent et prospèrent. Ces peuples émergeant sont réunis sous le nom d'Hyboriens, ou encore d'Hybori ; en référence au nom de leur dieu tutélaire, Bori, un chef dont la légende naquit de souvenirs épars et déformés, avant même que leur roi ne mène ces tribus vers le nord pendant les jours du grand Cataclysme.

Ces tribus se sont répandues vers le nord et elles organisaient même occasionnellement des raids loin au sud. À ce moment de l'histoire du monde, elles ne sont encore pas entrées en contact avec d'autres peuples ; leurs guerres n'ont été qu'intestines. Après mille cinq cents ans passés dans les régions nordiques, les représentants de ce peuple sont devenus des individus de grande taille, à la chevelure fauve et aux yeux gris acier. S'ils sont particulièrement belliqueux et robustes, ils font aussi preuve de grands talents artistiques et poétiques. Ils vivent principalement de la chasse, toutefois, certaines tribus parmi les plus méridionales élèvent du bétail depuis plusieurs siècles déjà. Il existe une exception à leur presque totale absence de contact avec d'autres peuples un voyageur s'aventura dans le nord profond, au cœur des régions glacées que tous pensaient totalement désertes, pour en rapporter la nouvelle de l'existence d'une importante colonie d'hommes ressemblant à des singes. Le voyageur jura que, de ce qu'il avait pu voir, il lui paraissait évident que les membres de ce peuple n'étaient autres que les descendants des créatures simiesques chassées des terres les plus accueillantes par les ancêtres des Hyboriens. Il mit tout en oeuvre pour organiser une expédition militaire afin d'aller exterminer ce peuple qui, disait-il, était en train d'évoluer pour devenir de vrais hommes. Mais presque tous se moquèrent de lui ; seul un petit groupe de guerriers séduits par l'aventure l'accompagna lors de son retour vers le nord. Nul ne revint jamais.

À cette époque les tribus Hyboriennes descendaient vers le sud, et tandis que leur population augmentait, cette migration devint de plus en plus importante. L'ère qui suivit était un âge des migrations et de conquêtes. L'histoire n'est alors plus faite que de tribus se déplaçant sans cesse dans un environnement en perpétuel mutation.

Regardons le monde cinq cents ans plus tard. Les tribus des Hyboriens à la chevelure fauve se sont répandues au sud et à l'ouest, détruisant et conquérant nombre de clans mineurs. Lors de ces conquêtes, le sang hyboriens s'est mêlé à celui d'autres peuples, et déjà, les descendants de ceux qui participèrent aux premières migrations montrent des caractéristiques raciales modifiées. Ces sang-mêlé sont impitoyablement exterminés par les nouveaux conquérants à l'ascendance pure. Ils sont balayés comme de la poussière et se mélangent ainsi davantage aux vestiges de toutes les autres races vaincues par les Hyboriens.

Pour le moment, ces conquérants ne sont toutefois pas encore entrés en contact avec les races les plus anciennes. Au sud-est, les descendants des Zhemris, un sang nouveau et fort coulant dans leur veine suite à une alliance avec une tribu dont l'histoire a oublié le nom, tentent de faire revivre de pâles restes de leur ancienne culture. À l'ouest, les Atlantes simiesques entreprennent à nouveau la lente et difficile ascension vers la civilisation. Ils viennent d'achever un cycle de l'évolution et sont désormais totalement affranchis de tout souvenir de leur ancienne existence humaine. C'est donc en ignorant leur ancien statut qu'ils entreprennent cette ascension sans être aidés ni gênés par les souvenirs de leur humanité d'antan. Au sud, les Pictes restent un peuple sauvage, défiant les lois de la nature par leur stagnation. Plus loin encore au sud, l'ancien et mystérieux royaume de Stygie sommeille, plongé dans ses rêves. Sur ses frontières orientales vivent des clans de sauvages nomades déjà connus sous le nom de Fils de Shem. Près des Pictes, dans la large vallée de Zingg abritée au coeur de hautes montagnes, vit une bande de primitifs, que les historiens ont souvent voulu apparenter aux Shemites, et qui évolua vers une vie agricole et un système social avancé.

Un autre facteur donna une impulsion plus forte encore aux migrations hyboriennes. Une tribu de cette race découvrit l'usage de la pierre pour la construction et c'est ainsi que naquit le premier royaume hyborien. C'est sur une forteresse rudimentaire de roches amoncelées, bâtie pour repousser les attaques des tribus hostiles, que fut donc fondé le royaume primitif et barbare d'Hyperborée. Les membres de cette tribu abandonnèrent rapidement leurs tentes en peaux de cheval pour des maisons de pierre primitives mais solides. Ainsi protégés, ils devinrent forts et puissants. Il existe peu de moments aussi importants dans l'histoire du monde que la naissance et l'expansion du redoutable royaume d'Hyperborée.

Peu de périodes sont aussi fortes que l'histoire de ce peuple qui abandonna brutalement la vie nomade pour bâtir des habitations de pierres nues entourées de murs cyclopéens ; ce peuple qui, par un étrange caprice du hasard, alors qu'il sortait à peine de l'âge de la pierre polie, venait ainsi de découvrir les premiers principes de l'architecture.

L'expansion de ce royaume provoqua l'exode de nombreuses autres tribus qui, vaincues au combat, refusèrent d'être inféodées à leurs pairs qui avaient appris à vivre derrière les murailles de leurs châteaux. Ainsi, de nombreux clans s'exilèrent lors de longs voyages qui leurs firent parfois franchir jusqu'à la moitié du monde. Toutefois, dès cette époque, les tribus les plus septentrionales commencent à être harcelées par de gigantesques sauvages blonds, des êtres à peines plus évolués que des hommes-singes.

Le récit des mille années qui suivirent est celui de l'ascension des Hyboriens, dont les tribus guerrières dominaient alors le monde occidental. Des royaumes encore rudimentaires commencent à prendre forme. Les envahisseurs à la chevelure fauve ont finalement rencontré les Pictes et les ont repoussés vers les terres désertiques de l'ouest. Au nord-ouest, s'élevant lentement et sans aide de l'état simiesque à celui de peuplade primitive, les descendants des Atlantes n'ont quant à eux pas encore rencontré les conquérants de cet âge. Loin à l'est, les Lémures ont développé une-étrange ébauche de civilisation semblable à nulle autre. Au sud, sur les frontières des régions pastorales connues sous le nomde Terres de Shem, les Hyboriens ont fondé le royaume de Koth. En partie grâce aux relations entretenues avec les Hyboriens et en partie grâce à celles nouées lors de siècles d'esclavage avec Stygiens, les habitants sauvages de ces régions émergent lentement de la barbarie. Le peuple de sauvages blonds des régions les plus septentrionales a gagné en taille et en puissance, obligeant ainsi les tribus hyboriennes nordiques et les clans qui leurs sont affiliés à fuir vers le sud. L'ancien royaume d'Hyperborée est finalement renversé par l'une des tribus de ce sauvage peuple nordique. Les nouveaux conquérants choisissent toutefois de ne pas toucher au nom du royaume nouvellement occupé. Au sud-est est né le royaume des Zhemris, la Zamora. Au sud-ouest, une tribu picte a envahi la fertile vallée de Zingg, conquérant le peuple d'agriculteurs qui y vivait, avant de finalement s'installer parmi eux. Les descendants de cette nouvelle peuplade seront à leur tour vaincus par une tribu vagabonde d'Hybori. De ce nouveau mélange de population naîtra finalement le royaume de Zingara.

Cinq cents ans plus tard, les royaumes s'élevant de par le monde sont clairement définis. Dominant le monde occidental, on trouve les royaumes hyboriens que sont l'Aquilonie, la Némédie, la Brythunie, l'Hyperborée, le Koth, l'Ophir, l'Argos, la Corinthie, et un royaume connu sous le nom de Royaume Frontière. La Zamora s'étend à l'est et la Zingara au sud-ouest de ces royaumes. Bien que les peuples de ces deux contrées aient tous deux la peau sombre et des coutumes exotiques, ils restent véritablement indépendants l'un de l'autre. Loin au sud, sommeille toujours la Stygie préservée des invasions étrangères. Pour sa part, le peuple de Shem a troqué le joug de la Stygie, contre celui moins pesant du Koth. Les anciens maîtres au teint mat ont été repoussés au sud du grand fleuve connu sous les noms de Styx, Nilius ou encore Nil, et qui prend sa source au nord, dans un obscur arrière-pays, avant de s'écouler en prenant parfois des virages à angle droit à travers les prairies fertiles et ondoyantes du Shem, pour finalement venir se jeter dans la grande mer. Au nord de l'Aquilonie, le plus à l'ouest de tous les royaumes hyboriens, vivent les Cimmériens, des sauvages féroces que nul envahisseur n'est parvenu à soumettre, mais dont la culture progresse rapidement au contact de ces intrus. Ce sont les descendants des Atlantes et ils se développent désormais plus vite et de manière plus régulière que leurs anciens ennemis les Pictes, qui vivent au coeur des terres sauvages situées à l'ouest de l'Aquilonie.

Cinq cents ans plus tard, les Hybori disposent d'une civilisation si dynamique qu'à son simple contact, les tribus les plus barbares sont presque immédiatement extraites du bourbier primitif qui forme leur culture. Le plus puissant des royaumes est l'Aquilonie, mais nombre d'autres rivalisent de splendeur et de force. Les Hyboriens sont désormais un peuple aux origines raciales diverses et mélangées. Parmi eux, les plus proches du peuple qui déferla à l'origine sur le monde restent les Gunderans du Gunderland, une province septentrionale de l'Aquilonie. Mais les mélanges raciaux n'ont pas affaibli cette peuplade qui domine toujours le monde occidental, bien que les barbares des régions désertiques continuent à gagner en force.

Au nord, les descendants des sauvages blonds des territoires arctiques, des barbares à la chevelure d'or et aux yeux d'azur, ont repoussés les dernières tribus hyboriennes hors des contrées enneigées, à l'exception de l'ancien royaume d'Hyperborée qui résiste encore à leurs furieux assauts. La nation de ces barbares est appelée Nordheim et se divise en deux parties, le Vanaheim des Vanirs aux cheveux roux et l'Asgard des Aesirs aux cheveux blonds.

C'est alors que les Lémures font de nouveau leur apparition dans l'histoire du monde, sous le nom d'Hyrkaniens. Des siècles durant, ils ont lentement mais sûrement progressé vers l'ouest et une tribu vit désormais au bord des rives méridionales de la grande mer intérieure, la Vilayet. C'est cette tribu qui finit par fonder le royaume du Turan, sur les rives sud-ouest de la mer intérieure. Entre les rives de la mer Vilayet et les frontières orientales des royaumes d'origine des Hyrkaniens, s'étendent de vastes steppes bordées loin au nord et au sud par d'hostiles déserts. Les habitants non hyrkaniens de ces territoires sont éparpillés et sont de culture pastorale. L'histoire n'a pas gardé trace de la nature profonde des habitants de ces contrées les plus septentrionales, tandis que ceux du sud sont issus d'un mélange d'origines Shemite et aborigène, avec des traces de sang hyborien provenant de conquérants nomades. Vers la fin de cette période historique, d'autres clans hyrkaniens commencent à progresser plus à l'ouest en contournant les rives septentrionales de la mer Vilayet. Ils se retrouvent ainsi à affronter les avant-postes orientaux des Hyperboréens.

Jetons maintenant un rapide coup d'oeil aux peuples de cet âge. Celui qui domine le monde de cette époque est clairement le peuple hyborien, mais celui-ci n'est plus composé uniformément d'individus aux cheveux fauves et aux yeux gris. Ce peuple s'est mêlé à bien d'autres. On trouve d'importantes traces d'origine shemite, voire stygienne, parmi les habitants du Koth et, à un moindre niveau, chez ceux de l'Argos. Pour ces derniers, l'influence zingarienne est toutefois bien plus sensible que l'influence shemite. Les Brythuniens orientaux se sont mêlés aux Zamoriens à la peau noire, et les populations méridionales d'Aquilonie se sont quant à elles tant rapprochées des Zingariens à la peau brune qu'une pilosité noire et des yeux marrons sont devenus la norme au Poitain, la région la plus au sud de l'Aquilonie. L'ancien royaume d'Hyperborée reste farouchement à l'écart des autres, du sang étranger coule cependant dans les veines de nombre de ses habitants. Il provient essentiellement de la capture de femmes étrangères, des Hyrkaniennes, des Aesirs et des Zamoriennes. Seuls les habitants de la province du Gunderland, où l'esclavage est inexistant, peuvent se prévaloir d'une origine hyborienne pure. De leur côté, les barbares ont aussi conservé l'intégrité de leurs lignées. Les Cimmériens sont grands et puissants, ils ont les cheveux sombres et les yeux bleus ou gris. Le peuple du Nordheim est de même stature mais avec une peau plus pale, des yeux bleus et des cheveux blonds ou roux. Les Pictes sont semblables à ce qu'ils ont toujours été, petits, très sombres de peau, et dotés d'yeux et de cheveux noirs. Les Hyrkaniens ont la peau sombre et sont généralement grands et fins, mais il est plus habituel d'en rencontrer des petits aux yeux bridés en raison de leurs liens avec un peuple aborigène chétif, mais pourvu d'une grande intelligence, conquis dans les montagnes à l'est de la mer Vilayet lors de l'expansion vers l'ouest. Les Shemites sont généralement de taille moyenne. Toutefois, lorsque leur sang est mélangé avec celui des Stygiens, ils peuvent être de très grande taille et d'une stature puissante et massive. Ils ont les yeux sombres, le nez souvent crochu et les cheveux noirs aux reflets bleus. Les Stygiens, du moins ceux de la classe dirigeante, ont la peau brune et des traits taillés à la serpe. Les membres des classes inférieures forment une horde opprimée et bâtarde, métisse de Noirs, de Stygiens, de Shemites et d'Hyboriens. Au sud de la Stygie se trouvent les vastes Royaumes Noirs des Amazones, des Kushites, des Atlaians et l'empire hybride du Zimbabwei.

Entre l'Aquilonie et la Terre Sauvage Picte se tiennent les Marches Bossoniennes, des terres hostiles peuplées par les descendants d'une ancienne race aborigène conquise par une tribu hyborienne lors des premières migrations de ce peuple. Les habitants de ces marches n'ont jamais atteint le niveau de civilisation des Hyboriens de pure souche, et ils ont de ce fait été repoussés aux limites du monde civilisé. Les Bossoniens sont généralement de taille moyenne, leur peau est d'une teinte qui n'est ni pâle ni mate et leurs yeux sont marrons ou gris. Ils vivent principalement de l'agriculture et résident au coeur de grands villages protégés par de solides murailles. Les Marches Bossoniennes font partie intégrante du royaume d'Aquilonie. Elles s'étendent depuis le Royaume Frontière au nord, jusqu'en Zingara, au sud-ouest, formant ainsi une zone tampon protégeant tout à la fois l'Aquilonie des assauts cimmériens comme de ceux des Pictes. Les Bossoniens forment un peuple de guerriers farouches, aguerris par des centaines d'années de lutte contre les incursions barbares venues de l'ouest et du nord. Ils en ont développé stratégies qui les rendent quasi invulnérables à toute attaque frontale.

Cinq cents ans plus tard, la civilisation hyborienne n'est plus que cendres balayées par le vent. Sa chute est unique dans le sens où elle n'est pas due à une dégénérescence interne mais à la montée en puissance des nations barbares et hyrkaniennes. Le peuple hyborien a été renversé alors même que sa civilisation était à son zénith.

Ce fut l'avidité du royaume d'Aquilonie qui, indirectement, provoqua la fin. Désireux d'étendre leur empire, ses rois entrèrent en guerre avec leurs voisins. La Zingara, l'Argos et l'Ophir furent annexés rapidement, ainsi que les cités occidentales du. Shem qui, comme leurs soeurs orientales, s'étaient à peine libérées du joug du Koth. Le Koth lui-même, la Corinthie et les tribus shemites orientales furent aussi contraints de payer leur tribut à l'Aquilonie et de participer à son effort de guerre. Une ancienne querelle avait existé entre l'Aquilonie et l'Hyperborée, et cette dernière profita de la situation pour entrer en conflit contre sa rivale occidentale. Les plaines du Royaume Frontière furent le théâtre de grandes et terribles batailles au cours desquelles les combattants nordiques furent presque anéantis avant de fuir dans leurs étendues neigeuses, où, les Aquiloniens victorieux ne pourraient les trouver. La Némédie, qui avait résisté des siècles durant à son belliqueux voisin oriental, parvint alors à former une alliance regroupant la Brythunie, la Zamora et même, secrètement le royaume de Koth. Mais avant que les armées puissent s’unir pour défier la toute puissance militaire de l’Aquilonie, le monde résonna du bruit des armées hyrkaniennes venues de l’est pour s’abattre sur l’occident. Aidés d’aventuriers et de mercenaires originaires des régions situées à l’est de la mer Vilayet, les cavaliers de Turan se répandirent dans toute la Zamora avant de dévaster la Corinthie. C'est sur les plaines brythuniennes que les combattants venus de l'est rencontrèrent finalement les guerriers Aquiloniens. Ces derniers obtinrent la victoire et obligèrent ainsi les envahisseurs à retourner dans leurs terres orientales. Ce conflit eut pour effet de briser l'alliance naissante, et la Némédie ne joua plus qu'un rôle défensif lors des conflits ultérieurs, occasionnellement aidée en cela par la Brythunie et l'Hyperborée, et secrètement comme à son habitude, par le Koth. La défaite hyrkaniennes eut pour effet de révéler la véritable puissance du royaume d'Aquilonie, dont les splendides armées étaient efficacement épaulées par de redoutables mercenaires notamment recrutés chez les Zingariens, les Pictes et les Shemites. La Zamora fut reprise des mains des Hyrkaniens, mais ses habitants se rendirent vite compte qu'ils n'avaient fait que troquer un maître oriental contre un occidental. De nombreux soldats aquiloniens furent en effet stationnés dans ce royaume, non seulement pour protéger les contrées dévastées, mais aussi pour s'assurer de la soumission du peuple. La première défaite ne suffit pas à briser le moral des Hyrkaniens ; trois nouvelles tentatives d'invasion furent lancées contre les frontières zamoriennes et les terres du Shem. Toutes trois furent repoussées par les armées aquiloniennes. Malgré ces défaites successives, les armées du Turan ne cessaient de croître, tandis que des hordes de cavaliers bardés de fer continuaient à venir de l'est en passant par les rivages orientaux de la mer intérieure.

Mais c'était à l'ouest que grossissait la puissance qui allait bientôt sonner le glas de l'Aquilonie et jetterait ses rois dans la fange. Au nord, d'incessantes escarmouches opposaient les Cimmériens à la noire chevelure aux Nordheimirs. De leur côté, les Aesirs, entre deux guerres contre les Vanirs, harcelaient l'Hyperborée, faisant à chaque fois un peu plus reculer la frontière, détruisant cité après cité. Les Cimmériens combattaient les Bossoniens autant que les Pictes, et il leur arrivamême à quelques reprises demener des expéditions au coeur même de l'Aquilonie ;mais il s'agissait là davantage de grands pillages que de véritables invasions.

De son côté, le peuple picte de cette époque croissait en puissance et en taille. Par un étrange tour du destin, c'était essentiellement dû aux efforts d'un homme, un étranger. Il les mena à l'orée du chemin qui les conduirait à créer un empire. Cet homme, Arus, était prêtre et Némédien, un réformateur né. On ne sait pas avec certitude ce qui le poussa à s'intéresser au peuple picte, mais ce que l'on tient pour sûr c'est qu'il était déterminé à voyager dans les terres sauvages de l'ouest, pour y changer les habitudes païennes des Pictes en leur apportant le culte doux et bienfaiteur de Mitra. Il n'était nullement effrayé par les sinistres histoires concernant le destin des marchands et explorateurs qui l'avaient précédé en ces terres hostiles. Coup de pouce du destin, alors qu'il était seul et sans arme, il parvint jusqu'au peuple qu'il cherchait si ardemment, et il eut alors la chance de ne pas être immédiatement exécuté.

À son contact, le peuple picte avait bénéficié de l'influence de la civilisation hyborienne, même s'il avait toujours farouchement tenté d'éviter un trop grand rapprochement. De fait, les Pictes avaient appris à travailler grossièrement le cuivre et l'étain, minerais qu'il était possible de trouver en faible quantité dans leurs contrées (ce dernier métal leur permettant de mener des raid dans les montagnes de la Zingara). Ils échangeaient également des peaux, des fanons de baleine, des défenses de morse et autres objets que troquent les sauvages. Ils cessèrent de vivre dans des grottes ou à l'abri d'arbres millénaires pour monter des tentes de peaux et des huttes primitives, copiant les demeures bossoniennes. A cette époque, ils vivaient encore essentiellement de la chasse, car leurs terres sauvages abritaient un abondant gibier de toutes sortes et leurs fleuves comme la mer regorgeaient de poissons. Mais ils avaient aussi appris comment planter le grain, ce qu'ils faisaient peu, préférant voler les récoltes de leurs voisins bossoniens et zingariens. Ils se réunirent en clans qui s'affrontaient en permanence entre eux, et leurs coutumes barbares et sanglantes restaient incompréhensibles pour un homme civilisé tel qu'Arus de Némédie. Ils n'avaient aucun contact direct avec les Hyboriens, car les Bossoniens remplissaient pleinement leur rôle de tampon entre les deux peuples. Mais Arus restait persuadé qu'ils étaient capables d'évoluer et le futur devait lui donner raison, bien qu'il ne l'ait certainement pas entendu dans le sens que l'histoire donna à ce mot.

Arus eut la chance d'être jeté aux pieds d'un chef plus intelligent que beaucoup d'autres. Ce Picte, Gorm, était un être complexe et difficile à appréhender, tout comme l'ont été Genghis Khan, Othman, Attila ou tous ceux qui, nés dans des terres primitives parmi les barbares, possédaient l'instinct de conquête et le désir de bâtir un empire. En s'exprimant dans un dialecte bossonien abâtardi, le prêtre parvint à faire comprendre son objectif au chef tribal et ce dernier, bien que particulièrement perplexe, lui laissa la vie sauve et lui accorda le droit de rester au sein de la tribu, ce qui reste un cas unique dans l'histoire de ce peuple. Après avoir appris le langage des Pictes, Arus se mit en devoir de commencer à éradiquer les éléments les plus barbares de la vie quotidienne de ses hôtes, il s'en prit donc à des coutumes telles que les sacrifices humains, les vendettas sanguinaires et l'immolation par le feu de prisonniers encore vivants. Il haranguait Gorm de longues heures durant et le considérait comme un auditeur attentif à défaut d'être réceptif. Ici, l'imagination et non l'histoire nous permet de recréer la scène : le chef tribal aux cheveux noir corbeau, arborant une tenue en peau de tigre et des colliers de dents humaines, assis sur le sol d'une hutte d'argile, écoutant avec attention le discours éloquent du prêtre probablement assis sur des peaux recouvrant un siège d'acajou spécialement sculpté en son honneur ; il est vêtu de la robe de soie des prêtres némédiens, ses mains fines et délicates s'agitent au rythme de ses mots, tandis qu'il explique les concepts du droit et de la justice éternelle qui forment la base du dogme de Mitra. À n'en pas douter, il montre avec répugnance les rangées de crânes qui ornent les murs de la hutte et il exhorte avec vigueur Gormà pardonner à ses ennemis plutôt que d'utiliser leurs restes blanchis à de telles fins décoratives. Arus était le plus fin produit d'une race d'artistes, raffinée par des siècles de civilisation ; Gorm était l'héritier de milliers d'années de sauvagerie hurlante, la patte silencieuse du tigre se dessinait dans ses empreintes, la poigne du gorille habitait ses mains aux ongles noirs et le feu qui brûle dans l'oeil du léopard illuminait son propre regard.

Arus était un homme à l'esprit pratique. Il faisait appel au désir de gain matériel du sauvage ; il évoquait la puissance et la splendeur des royaumes hyboriens comme un exemple du pouvoir de Mitra, dont les enseignements avaient permis l'établissement d'une telle civilisation. Il parla de cités, de plaines luxuriantes, de murailles de marbre et de chariots de fer, de tours couvertes de joyaux, et de cavaliers allant à la bataille dans leur armure scintillante. De son côté, l'infaillible instinct barbare de Gorm oubliait rapidement les mots parlant des dieux et de leurs enseignements, et ne se rappelait que des merveilleux trésors si brillamment décrits. C'est là, sur le sol de terre battue de cette hutte d'argile, que le prêtre à robe de soie sur son siège d'acajou et le chef tribal à la peau sombre couverte de peau de tigre bâtirent les fondations d'un empire.

Comme il a été dit, Arus avait l'esprit pratique. Vivant parmi les Pictes, il accomplit nombre des choses qu'un homme intelligent peut apporter à l'humanité, même quand celle-ci est vêtue de peaux de tigre et arbore des colliers de dents humaines. Comme tous les prêtres de Mitra, il était instruit dans de nombreux domaines. Il découvrit que les collines pictes abritaient de vastes réserves de minerai de fer et il apprit à ses hôtes comment bâtir des mines, comment fondre et comment travailler ce métal pour en faire des outils ; des outils agraires comme il le croyait si naïvement. Il institua de nombreuses réformes au coeur de ce peuple primitif, mais voici les plus notables d'entre elles : il éveilla le désir ardent de Gorm de voir les terres du monde civilisé ; il apprit aux Pictes à travailler le fer ; et il établit le contact entre ce peuple et le monde civilisé. À la demande du chef tribal, il le conduisit, accompagné de ses guerriers, à travers les Marches Bossoniennes et, sous le regard ébahi des honnêtes villageois, jusqu'aux portes étincelantes de la civilisation.

À n'en pas douter, Arus devait être convaincu de convertir des masses avides de spiritualité, simplement parce que, contrairement à leur habitude, les Pictes l'écoutaient et évitaient de lui fracasser le crâne avec leurs haches de cuivre. Mais ces derniers ne portaient aucun intérêt à des enseignements les exhortant à pardonner à leurs ennemis et à abandonner le sentier de la guerre pour s'engager dans des travaux honnêtes et pénibles. Il a déjà été dit que le peuple picte était dépourvu de toute nature artistique ; de fait, la nature profonde de ce peuple semble n'être faite que pour la guerre et les massacres. Lorsque le prêtre parlait de la gloire des nations civilisées, ses auditeurs à la peau sombre ne s'intéressaient alors pas à ses théories religieuses mais au butin potentiel, malencontreusement évoqué lors de ses descriptions de riches cités et de terres fertiles. Lorsqu'il leur expliqua comment Mitra avait aidé certains rois à renverser leurs adversaires, les Pictes prêtèrent alors vaguement l'oreille à l'énoncé de ces miracles, mais ce qui restait au final des longues diatribes n'étaient que descriptions de batailles et de formations militaires, de chevaliers en armure lourde, et de manœuvres d'unités d'archers ou de porteurs de javelots. Ils firent preuve d'une indiscutable attention à ce qu'il pouvait dire, puis ils reprenaient leur vie comme à l'ordinaire. Ils flattèrent son ego en mettant en application ses bienveillants conseils concernant la forge et les artisanats associés.

Avant sa venue, les Pictes avaient déjà dérobé des armes et des armures d'acier aux Bossoniens et aux Zingariens, et ils avaient aussi forgé leurs propres armes rudimentaires en cuivre et en bronze. Désormais un nouveau monde s'ouvrait à eux, et le fracas des marteaux sur les enclumes résonna de nouveau dans les terres sauvages. Gorm, aidé par cette nouvelle industrie, commença à étendre son influence sur les autres clans, tant par la guerre que par la diplomatie, art dans lequel il excellait 'plus que n'importe quel autre barbare.

Les Pictes entraient et sortaient désormais librement d'Aquilonie, protégés par de nouveaux sauf-conduits. De ces visites ils rapportèrent de nouvelles techniques de conception d'armes et d'armures. Qui plus est, au grand dégoût des farouches Bossoniens, ils commencèrent aussi à intégrer les rangs des armées mercenaires aquiloniennes. Les rois d'Aquilonie s'amusaient de l'idée de confronter les Pictes aux Cimmériens et de pouvoir détruire ainsi d'une pierre les deux menaces. Mais ces rois étaient trop occupés par leurs intrigues et leurs conflits au sud et à l'est pour se préoccuper des terres à peines connues de l'ouest, des contrées d'où, chaque jour, de plus en plus de guerriers venaient s'engager comme mercenaires.

Une fois leur temps de service terminé, ces guerriers rentraient dans leurs terres sauvages natales en y apportant la connaissance des techniques de guerre civilisées. Ils étaient aussi habités d'un profond mépris pour toutes les faiblesses de la civilisation qu'ils avaient eu l'occasion de côtoyer. Des tambours commencèrent à résonner de colline en colline, des signaux de fumées ne tardèrent pas à annoncer des rassemblements importants et, plus que jamais, les terres sauvages retentirent du bruit d'un millier de forgeron frappant l'acier pour en faire des épées. Par des intrigues et des massacres trop nombreux pour être énumérés ici, Gorm finit par devenir le chef des chefs. Depuis des milliers d'années, nul autre Picte n'était parvenu aussi près du statut de roi que lui. Il avait su faire preuve d'une incroyable patience, car il y avait déjà un certain temps qu'il avait atteint l'âge mûr. Alors, il se dirigea vers la frontière, non pas pour y commercer mais pour y faire la guerre.

Arus ne se rendit compte de son erreur que bien trop tard ; il n'était pas parvenu à toucher l'âme du païen, dans laquelle se terrait une violence héritée du fond des temps. Son éloquence n'avait pas même effleuré la conscience du sauvage. Désormais Gorm arborait un corselet de mailles argentées à la place de sa tenue en peau de tigre, mais sous les apparences, il était resté le même : le barbare éternel, insensible à la théologie ou la philosophie, que seul le désir de piller et de détruire pouvait motiver.

Les Pictes déferlèrent sur la frontière bossonienne en une vague d'épées et de feu. Ils n'étaient plus les combattants sauvages vêtus de peaux de bête et brandissant des haches de cuivre, ils étaient devenus des guerriers bardés de cottes de mailles, maniant avec habileté des armes du meilleur acier. Quand à Arus, il eut le crâne broyé par un Picte ivre alors qu'il tentait dans un effort désespéré d'arrêter ce qu'il avait initié. Gorm lui témoigna toutefois sa gratitude ; il fit exécuter le meurtrier et ordonna que le crâne de ce dernier orne le sommet du cairn élevé pour le prêtre. Triste ironie de l'histoire que les pierres qui recouvraient le corps d'Arus, un homme qui avait toujours abhorré la violence, aient été ornées de cette dernière touche de barbarie sanglante.

Mais les nouvelles armes et les cottes de mailles ne suffirent pas à briser les lignes. Des années durant, la qualité de l'équipement et l'inaltérable courage des Bossoniens permirent de repousser les envahisseurs. Durant cette période, les Hyrkaniens poursuivirent leurs incursions et leurs retraites et la Zamora fut ainsi finalement ajoutée à l'empire aquilonien.

Ce fut une trahison des plus inattendues qui eut raison de l'unité des lignes bossoniennes. Avant même les conquêtes, l'Aquilonie était un royaume riche, l'expansion de ses frontières et les conquêtes apportèrent un afflux incroyable de nouvelles richesses et la splendeur la plus ostentatoire remplaça rapidement des habitudes de vie simples et pratiques. Toutefois la dégénérescence n'avait alors pas encore touché les rois et leur peuple ; vêtus de soie et d'or, les Aquiloniens restaient un peuple farouche et entreprenant. Mais l'arrogance supplantait doucement leur ancienne simplicité. Ils exprimaient un mépris de plus en plus ouvert à l'égard des peuples colonisés moins puissants, leur imposant des impôts de plus en plus lourds. Argos, la Zingara, l'Ophir, la Zamora et les territoires shemites étaient traités comme des provinces assujetties, ce qui s'avérait des plus intolérable pour les fiers Zingariens, qui se révoltèrent fréquemment en dépit de la sévérité des représailles.

Le Koth, « protégé » des Hyrkaniens par l'Aquilonie, était dans la situation d'une province assujettie. La Némédie, occasionnellement aidée par l'Hyperborée, restait l'un des royaumes que l'empire de l'ouest n'était toujours pas parvenu à dompter. Durant cette période, les seuls échecs de l'Aquilonie furent son incapacité à annexer la Némédie, la déroute d'une armée envoyée en Cimmérie et la destruction presque totale d'un ost par les Aesirs. Tout comme les Hyrkaniens s'avéraient incapables de résister aux charges des unités de cavalerie lourde des Aquiloniens, ces derniers restaient impuissants lors des féroces corps à corps engagés contre les peuples nordiques. En dépit de ces rares revers, les conquêtes de l'Aquilonie continuèrent jusqu'au Nilus. C'est là que fut massacrée l'armée stygienne. Aussitôt, le roi de Stygie envoya au moins un important tribut pour éviter l’invasion de son royaume. La Brythunie fut conquise en une série de guerres éclairs.

L'Aquilonie pouvait enfin se préparer pour affronter son ancienne rivale, la Némédie. Ses armées scintillantes grandement renforcées par des hordes mercenaires, l'Aquilonie se mit en marche contre son ennemie de toujours. Il semblait alors que rien ne pourrait empêcher cette vague d'acier d'engloutir définitivement les dernières traces d'indépendance némédienne. Mais des dissensions commençaient à poindre entre les Aquiloniens et leurs auxiliaires bossoniens.

Résultat inévitable de l'expansion impériale, les Aquiloniens devinrent arrogants et intolérants. Ils méprisaient les Bossoniens, moins sophistiqués et civilisés. Le fossé se creusa rapidement entre les deux peuples. Les Aquiloniens se montrèrent de plus en plus hautains et les Bossoniens ressentirent plus de dégoût encore à l'égard de ceux qui osaient désormais se présenter comme leurs maîtres. La Bossonie devint une contrée conquise, assujettie à des taxes exorbitantes et à une conscription forcée et démesurée pour alimenter les guerres engendrées par l'expansion territoriale. La Bossonie luttait et s'épuisait dans des guerres dont elle ne profitait quasiment pas. C'est à peine s'il lui restait suffisamment d'hommes pour défendre ses frontières. En entendant parler de certains massacres et pillages organisés par les Pictes dans leur province natale, des régiments entiers de soldats bossoniens désertèrent la campagne contre la Némédie pour retourner vers les frontières occidentales, où ils vainquirent les envahisseurs à la peau sombre lors d'une titanesque bataille.

Cette désertion fut la cause directe de la défaite des Aquiloniens contre l'armée désespérée des Némédiens. Les impériaux, frappés dans leur orgueil et aveuglés par leur intolérance, décidèrent alors de se venger cruellement contre les Bossoniens. Des régiments aquiloniens furent secrètement conduits jusqu'aux frontières des marches, les chefs bossoniens furent invités à un grand conclave et, sous prétexte de monter des expéditions punitives contre les Pictes, des groupes de sauvages shemites furent placés en garnison dans de nombreux villages. Les chefs désarmés furent massacrés, les Shemites se tournèrent contre leurs hôtes et les éliminèrent par le feu et l'acier. Enfin, l'est impérial déferla sur la province. Les Marches Bossoniennes furent dévastées et l'armée aquilonienne, en se retirant, ne laissa derrière elle que des terres en ruine.

C'est alors que l'invasion picte éclata dans toute sa puissance le long de cette frontière. Il ne s'agissait plus de raids et de pillages, mais bien de l'action concertée d'une nation dans son ensemble. Les armées pictes étaient menées par des chefs qui avaient servis dans l'armée aquilonienne. Ils étaient dirigés par Gorm, un vieil homme à cette époque, mais toujours consumé par un feu intérieur et une ambition sans limite. Cette fois-ci, ils ne trouvèrent nul solide village fortifié sur leur chemin, nulle troupe d'archers aguerris susceptibles de les tenir à distance le temps que les armées impériales arrivent. Les vestiges de la population bossonienne furent éradiqués et les barbares avides de sang se répandirent en Aquilonie, pillant et brûlant, avant que les légions impériales à nouveau en guerre contre la Némédie n'eussent le temps de revenir vers l'ouest. La Zingara saisit l'occasion de se libérer du joug de son oppresseur, et son exemple fut rapidement suivi - par la Corinthie et par les Shemites. Des régiments entiers de mercenaires et de vassaux se mutinèrent et s'en retournèrent dans leurs foyers, pillant et carbonisant tout sur leur passage. Les Pictes poursuivaient leur inéluctable progression vers l'est, massacrant armée après armée sur leur chemin. Sans leurs archers bossoniens,les Aquiloniens se montrèrent incapables de rivaliser avec les pluies de flèches enflammées des archers barbares. De toutes les régions de l'empire, des légions furent rappelées pour tenter de s'opposer à la vague sauvage. qui déferlait de manière ininterrompue des terres pictes. Profitant du chaos, les Cimmériens descendirent de leurs collines pour participer à la curée. Ils pillèrent des cités et dévastèrent les campagnes environnantes avant de s'en retourner dans leurs terres froides avec leur butin. Derrière eux, les Pictes prenaient possession des terres ainsi ravagées. Le royaume d'Aquilonie fut englouti par le feu et le sang.

De nouveau, les Hyrkaniens chevauchèrent depuis l'est d'azur. Le retrait des légions impériales de la Zamora fut considéré comme une invitation. Ce royaume tomba aisément sous leur coupe et le roi hyrkanien y installa sa capitale dans la plus grande des cités. Cette invasion était due à l'ancien royaume hyrkanien de Turan, sur les rives de la mer Vilayet, mais une autre irruption hyrkanienne, plus sauvage et violente, eut lieu depuis le nord. Des hordes de cavaliers bardés d'acier contournèrent les rives septentrionales de la mer intérieure, traversèrent les déserts glacés, entrèrent dans les steppes, repoussant devant elles les aborigènes, avant de finalement aller s'écraser sur les frontières des royaumes occidentaux. Initialement ces nouveaux venus n'étaient pas alliés aux Turaniens, et ils les combattirent tout autant que les Hyboriens. De nouvelles vagues de guerriers orientaux arrivèrent pour alimenter les querelles et les combats, et cela dura jusqu'à ce que la venue d'un grand chef venu des rives de l'océan de l'est parvînt à tous les unir. Sans les armées aquiloniennes pour s'opposer à eux, ils étaient invincibles. Ils envahirent la Brythunie avant de rapidement la soumettre, puis ils dévastèrent le sud de l'Hyperborée et la Corinthie. Enfin, ils se tournèrent vers les collines de la Cimmérie et y entrèrent en force, repoussant devant eux les barbares à la chevelure noire. Mais une fois arrivés au cœur des collines et des montagnes, où la cavalerie n'apparut plus comme un véritable avantage tactique, les Cimmériens cessèrent de fuir et se retournèrent vers le grand ost oriental. Seule une retraite à la hâte, à l'issue d'une journée entière de combat sanglant, sauva l'armée hyrkanienne de l'annihilation totale.

Tandis que la nouvelle de ces évènements se répandait dans le monde civilisé, les royaumes du Shem venaient de vaincre leur ancien maître, le Koth, mais ils avaient ensuite été défaits tandis qu'ils tentaient d'envahir la Stygie. À peine venaient-ils d'achever le pillage de Koth qu'ils furent à leur tour conquis par les Hyrkaniens, se retrouvant ainsi une nouvelle fois assujettis, par des maîtres plus sévères encore que leurs anciens despotes hyboriens. Pendant ce temps, les Pictes s'étaient rendus complètement maîtres de l'Aquilonie après avoir presque entièrement éradiqué ses habitants. Mais ils ne s'étaient pas arrêtés aux frontières de ce royaume et c'est ainsi que des milliers de Zingariens, fuyant les massacres en migrant vers l'Argos, se jetèrent dans le filet des armées hyrkaniennes qui poursuivaient leur avancée vers l'ouest. Il leur fut finalement permis de s'établir en Zamora comme sujets de leurs nouveaux maîtres. Derrière eux, tandis qu'ils fuyaient, l'Argos fut noyé dans les flammes et les massacres des conquêtes pictes, puis les sauvages sanguinaires entrèrent en Ophir où ils rencontrèrent l'avant-garde occidentale de l'armée hyrkanienne.

Cette dernière, après avoir conquis le Shem, était parvenue à vaincre une armée stygienne dans les vallées du Nilus, puis à envahir la région en descendant au sud jusqu'au royaume noir des Amazones. De ces conquêtes, ils ramenèrent des milliers de captifs qu'ils établirent ensuite parmi les Shemites. Sans le farouche assaut picte qui vint contrarier leurs conquêtes occidentales, il est probable que les Hyrkaniens eussent été à même de terminer leur conquête de la Stygie, pour l'ajouter à leur immense empire.

La Némédie, que nul Hyborien ne put jamais conquérir, chancelait entre les assauts des cavaliers de l'est et les tentatives d'invasion des fantassins des tribus de l'ouest. C'est alors qu'une tribu de nomades descendit de ses terres neigeuses, jusque dans le royaume où ses membres furent rapidement engagés comme mercenaires. Ils se montrèrent si bons combattants qu'ils ne se contentèrent pas seulement de repousser les Hyrkaniens, mais aussi de stopper la progression vers l'est des Pictes.

Le monde de cette époque est composé de la sorte un vaste empire picte, sauvage, primitif et barbare, s'étend depuis les côtes du Vanaheim au nord, jusqu'aux côtes les plus méridionales de la Zingara. II s'étire vers l'est pour inclure toute l'Aquilonie, à l'exception du Gunderland, province la plus septentrionale de ce royaume, qui parvint à survivre à la chute de l'empire et à maintenir son indépendance en formant un royaume souverain protégé par les montagnes. L'empire picte inclut aussi l'Argos, l'Ophir, la partie occidentale du Koth, ainsi que les terres du Shem les plus à l'ouest. Opposé à l'empire barbare, se dresse l'empire hyrkanien, dont la limite nord est formée par les terres frontalières dévastées de l'Hyperborée et dont la frontière sud est délimitée par les déserts méridionaux des terres du Shem. La Zamora, la Brythunie, le Royaume Frontière, la Corinthe, la quasi-totalité du Koth et toutes les terres orientales du Shem font partie de cet empire. Les frontières de la Cimmérie sont intactes ; ni les Pictes ni les Hyrkaniens n'ont pu soumettre ces barbares aguerris. La Némédie, dominée par les mercenaires Aesirs, résiste à toutes les tentatives d'invasion. Au nord, la Cimmérie, le Nordheim et la Némédie séparent les deux empires expansionnistes, mais au sud, le Koth est devenu le champ de bataille où les Pictes et les Hyrkaniens ne cessent de s'affronter. Parfois, les guerriers orientaux repoussent totalement les barbares du royaume, avant que les cités et les terres ne retombent aux mains des envahisseurs de l'ouest. Dans le sud lointain, affaiblie par l'invasion hyrkanienne, la Stygie cède du terrain sous les assauts des Royaumes Noirs. Dans le grand nord, les tribus barbares mènent des guerres sans relâche contre les Cimmériens et les frontières hyperboréennes.

Gorm fut finalement tué par Hialmar, un chef des Aesirs de Némédie. C'était alors un vieillard, âgé de près d'une centaine d'années. Au cours des soixante-quinze ans qui s'étaient écoulés depuis qu'il avait pour la première fois entendu parler des empires civilisés, de la bouche d'Arus - une éternité dans la vie d'un homme, mais un bref instant dans l'histoire des nations - il était parvenu à créer un empire à partir de clans sauvages et indépendants et il avait renversé une civilisation. Lui qui était né dans une hutte d'argile et de boue, s'asseyait à la fin de sa vie sur des trônes d'or pur et rongeait des pièces de bœuf qui lui étaient portées dans des assiettes en or par des esclaves nues qui avaient autrefois été filles de rois. Les conquêtes et l'accumulation de richesses ne transformèrent aucunement les Pictes ; nulle nouvelle culture ne s'éleva tel le phénix des cendres de l'ancienne civilisation. Les sinistres mains qui détruisirent les trésors artistiques des nations conquises ne prirent jamais la peine de les reproduire. Bien qu'il trônât parmi les ruines étincelantes de palais conquis et qu'il couvrît son corps de la soie des rois disparus, le Picte resta l'éternel barbare, féroce, primitif, uniquement intéressé par les principes les plus rudimentaires de la vie, toujours mû par ses seules envies de guerre et de pillages. Les arts et les progrès sociaux et culturels ne signifiaient rien pour lui. 11 n'en fût pas de même pour les barbares sir qui s'établirent en Némédie. Rapidement, ceux-ci adoptèrent de nombreuses cou-turnes de leurs alliés civilisés, mais en les modifiant notablement et en les adaptant à la rudesse de leur propre culture.

Pendant quelques générations, les Pictes et les Hyrkaniens ne firent rien d'autre que se harceler et se menacer sur les ruines du monde qu'ils avaient conquis. Vint alors l'âge des glaciers et des grandes migrations nordiques. Progressant en aval de l'avancée des grands glaciers, les tribus nordiques commencèrent à descendre sur le monde, menant devant elles tous les clans qui leur étaient affiliés. Les Aesirs éradiquèrent l'ancien royaume d'Hyperborée et, après avoir franchi ses ruines, se trouvèrent confrontés aux Hyrkaniens. Pour sa part, la Némédie était déjà un royaume nordique dirigé par les descendants de ses premiers mercenaires Aesirs. À la pointe de l'avancée barbare venue du nord, les Cimmériens marchaient fièrement, et nulle armée ni cité ne leur résistait. Ils déferlèrent et annihilèrent le royaume du Gunderland avant de progresser inéluctablement vers le cœur de l'ancien royaume d'Aquilonie,à travers les armées pictes. Ils vainquirent les Némédiens nordiques et mirent à sac certaines de leurs cités,mais ne s'y arrêtèrent pas. Ils poursuivirent vers l'est, éradiquant l'armée hyrkanienne sur les frontières de la Brythunie.

Derrière euxsuivaient des hordes d'Aesirs et de Vanirs. Ils s’éparpillèrent dans les terres nouvellement conquises et l'empire picte commença à chancelersous leurs coups. Le royaume de Némédie fut renversé et les nordiques à moitié civilisés qui résidaient durent fuir devant leurs anciens compatriotes, laissant ainsi désertes et en ruines les cités de la Némédie. Ces nordiques en déroute qui avaient adopté le nom de leur royaume d'adoption, et que tous désormais appelaient Némédiens, finirent par se rendre sur les anciennes terres du royaume de Koth. Ils en expulsèrent les Pictes et les Hyrkaniens, avant d'aider le peuple du Shem à se libérer du joug hyrkanien. Partout dans le monde occidental, les Pictes et les Hyrkaniens reculaient devant la venue du farouche peuple du nord. Un groupe d'Aesirs repoussa les cavaliers orientaux hors de Brythunie et s'y installa tout en faisant sien le nom de ce royaume. Les nordiques qui avaient conquis l'Hyperborée se jetèrent ensuite sur leurs adversaires de l'est. L'assaut fut si violent que les descendants à peau sombre des anciens Lémures durent battre en retraite dans les steppes, avant d'être inexorablement repoussés vers les rives de lamer Vilayet.

Pendant ce temps, les Cimmériens vagabondaient dans les contrées du sud-est, y détruisant l'ancien royaume hyrkanien du Turan, avant de s'installer sur les rives sud-ouest de lamer intérieure. La puissance des conquérants de l'est était définitivement brisée. Avant d'être attaqués par les Nordheimir et les Cimmériens, ils détruisirent eux-mêmes leurs cités,massacrant les captifs incapables de soutenir le rythme d'une longue marche forcée. C'est ainsi que, repoussant devant eux une horde de milliers d'esclaves, ils s'en retournèrent vers l'est mystérieux en longeant les rivages septentrionaux de la mer Vilayet, disparaissant ainsi de l'histoire occidentale jusqu'à leur retour,des milliers d'années plus tard, sous les noms de Huns,Mongols, Tatars et Turcs. Des milliers de Zamoriens et de Zingariens les accompagnèrent dans leur retraite. Ces deux peuples s'installèrent ensemble dans l'est lointain pour former ce qui serait plus tard les origines du peuple rom.

Pendant ces Evénements, une tribu d'aventuriers Vanirs avait longé les côtes pictes méridionales, pillé l'ancienne Zingara, et était entrée en Stygie. Cette nation était alors opprimée par une cruelle caste noble et soumise aux assauts violents des Royaumes Noirs du sud. Les Vanirs à cheveux roux prirent la tête d'une révolte d'esclaves qui renversa la caste dirigeante, avant de finalement prendre sa place. Ils soumirent les Royaumes Noirs les plus septentrionaux et bâtirent un vaste empire méridional qu'ils appelèrent Égypte. C'est de ces conquérants à la chevelure rousse que furent issus les premiers pharaons.

Lemonde occidentalétait désormais dominé par les barbares nordiques. Les Pictes gardaient encore le contrôle de l'Aquilonie, d'une partie de la Zingara et de la côte ouest du continent. Mais, depuis l'est de la mer Vilayet jusqu'au cercle arctique, en passant par les terres du Shem, les seuls habitant étaient des Nordheimir, ou des Cimmériens en ce qui concernait l'ancien royaume de Turan. Hors de la Stygie et des terres du Shem, plus aucune cité ne se dressait dans ce monde barbare ; les vagues successives d'envahisseurs pictes, hyrkaniens, cimmériens et nordiques les avaient presque toutes réduites à l'état de ruines. L'ancienne race hyborienne autrefois dominante avait finalement disparu de la surface de la terre, n'y laissant plus qu'une faible trace dans le sang de ses conquérants. Seuls quelques noms de provinces, de tribus et de cités survécurent dans les langages des barbares ; ces noms anciens quittèrent peu à peu le monde réel pour former la base de légendes et de fables, jusqu'à ce que, finalement, l'entière histoire de l'âge hyborien disparût sous un épais voile de mythes et de récits fantastiques. C'est ainsi que, dans le langage du peuple gitan existent encore les noms de Zamora et de Zingara ; les Aesirs qui dominèrent la Némédie reçurent le nom de Némédiens et apparurent ainsi plus tard dans l'histoire irlandaise ; et les nordiques qui s'établirent en Brythunie furent connus sous le nom de Brythuniens, puis de Brythaniens et enfin de Britanniques ou Bretons.

Ce qu’on pourrait appeler un empire nordique unifié n’existait pas à cette époque. Comme toujours,chaque tribu barbare disposait de son propre chef ou roi, et toutes se livraient des guerres sans merci. Quel aurait pu être le destin de ces nouveaux rois ? Nul ne pourra le dire car une nouvelle terrifiante et titanesque convulsion de la terre engendra le chaos, avant de modifier la forme des contrées pour leur donner celle qu'elle a de nos jours. De grandes parties des côtes occidentales furent englouties ; le Vanaheim, la partie inhabitée de l'Asgard oriental et de gigantesques glaciers disparurent sous les flots. Les océans déferlèrent autour des montagnes de l'ouest de la Cimmérie pour former la mer du Nord ; ces montagnes devinrent les îles qui seraient plus tard connues sous les noms d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande. Les flots se répandirent sur ce qui avait été la Terre Sauvage Picte et les Marches Bossoniennes. Au nord se forma la mer Baltique, divisant l'Asgard en une péninsule abritant plus tard la Norvège, la Suède et le Danemark. Au sud, le continent stygien fut séparé du reste du monde, le long du clivage formé par le Nilus dans sa partie la plus occidentale. Sur l'Argos et les terres occidentales du Koth et du Shem, s'étendit une mer de flots bleus, connue plus tard sous le nomdemer Méditerranée. En d'autres endroits, la terre s'éleva plutôt que de se laisser engloutir, et ainsi se dressa un vaste territoire à l'ouest de la Stygie, une contrée qui forma lamoitié occidentale du continent africain. Les transformations géographiques provoquèrent l'apparition degrandes chaînes montagneuses au centre du continent septentrional. Des tribus nordiques furent entièrement anéanties et les autres durent battre en retraite vers l'est. Les territoires proches de la mer intérieure, qui commençait alors à lentement s'assécher, restèrent peu affectés par les cataclysmes qui ravageaient le monde. Ce fut là, sur les rivages occidentaux de la mer Vilayet que les tribus nordiques commencèrent une existence pastorale, vivant en plus ou moins bonne intelligence avec les Cimmériens, avant que finalement les deux peuples ne fassent plus qu’un. Dans l’ouest, les survivants du peuple picte furent une nouvelle fois renvoyés à l’âge de pierre par les ravages des cataclysmes. Malgré cela, l’extraordinaire vitalité de ce peuple lui permis une fois encore de devenir le maître incontesté de ses terres jusqu’à ce que, lors d’un futur âge, il soit renversé par les Cimmériens et les peuples nordiques. Cela advint si longtemps après la brèche du continent que seules des légendes incohérentes parlent de ces anciens empires.

Cette migration barbare entre désormais dans le domaine de l'histoire contemporaine et ne nécessite pas de grands discours. Elle résulta de la nécessité économique de migrer en raison de l'accroissement de la population qui vivait dans les steppes à l'ouest de ce qui restait de la mer intérieure, qui serait bien plus tard connue sous le nom demer Caspienne. Les tribus se déplacèrent alors vers le sud, le nord et l'ouest, vers les contrées qui s'appelleraient Inde, Asie mineure et Europe centrale et occidentale. Ils vinrent dans ces contrées en se faisant appeler Aryens. Mais il existait d'importantes variations entre les peuples formant ces Aryens primitifs. Certains ont perduré jusqu'à aujourd'hui, tandis que d'autres disparurent dans l'oubli. Ainsi les blonds Achéens, les Gaulois et les Bretons étaient des descendants des Aesirs au sang pur. Les Némédiens des légendes irlandaises étaient les Aesirs némédiens. Les Danois étaient des descendants des Vanirs de pure souche ; les Goths — ancêtres des autres tribus scandinaves et germaniques, y compris des anglosaxons — descendaient d'un peuple métissé issu tout autant des Vanirs, des Aesirs et des Cimmériens. Les Gaëls, ancêtres des Irlandais et des Écossais des hautes terres, étaient les héritiers directs des anciens clans cimmériens. Les tribus cymriques de Grande-Bretagne étaient issues d'un mélange d'origines cimmérienne et nordique, et précédèrent dans ces îles les Bretons d'origine purement nordique ; donnant ainsi naissance à la légende sur l'origine gaëlique du peuple britannique d'aujourd'hui. Les Cimbres qui affrontèrent Rome étaient de même sang que les Gaëls, tout comme l'étaient les Gimmerai des Assyriens et des Grecs, et les Gomériens des Hébreux. D'autres clans cimmériens s'aventurèrent à l'est de la mer intérieure et, quelques siècles plus tard, leur sang se mêla à l'hyrkanien pour former le peuple Scythe qui revint vers l'ouest. Les ancêtres des Gaëls donnèrent finalement leur nom à la Crimée moderne.

Les anciens Sumériens n'avaient aucun lien avec les races occidentales. Ils puisaient leurs origines dans les sangs shemites et hyrkanien, ils étaient restés sur place, abandonnés par leurs maîtres lors de la retraite hyrkanienne. De nombreuses tribus du Shem échappèrent à la captivité à cette même période, et ce fut de ces shemites de sang plus ou moins mêlé avec celui des Hyboriens ou des Nordiques que naquirent les peuples arabes et sémites. Les Cananéens, peuple sémite alpin, résultaient d’un métissage entre le peuple shemite et les Kushites qui furent établis parmi eux par l’envahisseur Hyrkanien ; les Elamites sont des représentant typique de cette ethnie. Les Étrusques, hommes aux jambes courtes et solides qui formèrent la base du peuple romain, sont les descendants du peuple vivant originellement dans l’ancien royaume du Koth, issu d’un métissage d’influence stygienne, hyrkanienne et picte. Les hyrkaniens émigrèrent vers les côtes orientales du continent ou il devinrent les futurs Tatars, Huns, Mongols et turcs.

Les origines de tous les autres peuples de l’histoire contemporaine peuvent être retrouvées de la même manière ; dans presque tous les cas, bien plus ancienne qu’ils ne peuvent l’imaginer, leur histoire trouve ses racines dans les brumes de l’âge Hyborien…

Notion de temps et calendrier

Aussi étrange que cela puisse paraître, il n’existe aucun véritable calendrier du monde Hyborien. Ou plutôt il en existe une telle quantité qu’il est virtuellement impossible de dresser une ligne de temps des principaux événements, quelle que soit leur nature. Chaque nation comptait plus ou moins comme année de départ de sa chronologie un événement du passé, la fondation par les premiers colons hyboriens, une éclatante victoire, la naissance d’un roi… Mais cela pouvait changer dès que le nom du dirigeant changeait.

Certains villages possédaient un comptage différent des années qui passent, rythmé par les récoltes, les pénuries et les catastrophes naturelles. On comptait généralement les saisons plutôt que les années et dans les villes, la noblesse avait commencé à créer des arbres généalogiques remontant le plus loin possible, afin d’asseoir sa domination en vertu d’un lignage éloquent ou de falsifier une naissance, se rapprochant ainsi de la famille régnante.

La généalogie se réclamait d’une chronologie plus approfondie et on assista donc à la naissance de premiers véritables calendriers, bien qu’encore embryonnaires. Pour ainsi dire, seuls les Stygiens comptaient les années à partir d’un événement unique et immuable, la création de leur propre nation, mille ans après le premier Cataclysme. Le calendrier stygien se rapprochait du nôtre, comptant douze mois de trente jours chacun pour une année de 360 jours au total. Selon ce comptage, notre histoire se déroulerait donc aux alentours de l’an 1500. Et si l’on considère le monde Hyborien au moment où le roi Conan règne sur l’Aquilonie, l’année en question serait probablement 1544.